ARTICLE DE DOCTRINE
THÈME : Les mesures restrictives de liberté au cours de l’instruction préparatoire dans le nouveau Code de Procédure Pénale.
Par ESSEHI EBA FRANÇOIS
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
Al. : Alinéa
Ancien CPP : Ancien Code de Procédure Pénale
Art. : Article
CP : Code pénal
Chap. : Chapitre
CNDHCI : Commission Nationale des Droits de l’Homme
MJDH : Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme
MAC : Maison d’Arrêt et de correction
NCPP : Nouveau Code de Procédure Pénale
OIDH : Observatoire Ivoirien des Droits de l’Homme
OPJ : Officier de police judiciaire.
OSIWA: Open Society Initiative for West Africa
Par. : Paragraphe
Sect. : Section
INTRODUCTION
« Je vous en supplie Monsieur le Juge, je ne veux pas que mon dossier passe en cabinet ! S’il vous plait Maitre, faites en sorte que le dossier de mon parent ne passe en cabinet ! » Ces phrases, si elles peuvent paraitre ambigües et équivoques pour les profanes, ne sont nullement méconnues des Magistrats, des Avocats et des autres acteurs de la chaine pénale, qui en connaissent le sens véritable, à force de les entendre au quotidien.
En effet, à travers ces boutades, les justiciables, surtout ceux connaissant des démêlés avec la justice pénale expriment leur crainte de voir la procédure dans laquelle ils sont impliqués déboucher sur l’ouverture d’une information judiciaire par la saisine d’un Juge d’instruction qui sera chargé de faire triompher la vérité. Toutefois, il convient de prime abord de rassurer les uns et les autres en soulignant que l’ouverture d’une information judiciaire n’est pas toujours laissée au pouvoir souverain d’appréciation des Magistrats du Parquet. Dans certaines hypothèses, l’instruction préparatoire, loin d’être un choix pour les membres du Ministère Public, constitue en réalité une obligation légale pour ces derniers, qui ne peuvent mettre en mouvement l’action publique que suivant ce mode de poursuite. Il en est ainsi en cas d’infraction qualifiée crime par la loi pénale (art. 96 NCPP) , en cas d’infraction commise par un mineur (art. 804 NCPP) ou pour certains délits, lorsque la loi en dispose ainsi (art. 96 NCPP et art. 225 CP) .
Cette crainte presque révérencielle des justiciables vis-à-vis de l’information judiciaire trouve sa source fondamentale dans la complexité que revêt ce mode de poursuite, dans sa lenteur et surtout dans le caractère contraignant de la plupart des mesures pouvant être ordonnées par le magistrat instructeur au cours de cette phase préparatoire du procès pénal. Pour la majorité des justiciables, surtout pour ceux qui ont déjà été confrontés à la justice pénale, il est préférable d’être poursuivi directement devant les juridictions de jugement soit suivant la procédure de flagrant délit (même si elle peut parfois paraitre expéditive, cette procédure a, au moins le mérite de fixer le sort définitif du mis en cause, qui une fois jugé et condamné, peut prétendre au bénéfice de certaines largesses de la pratique judiciaire telles que le sursis, la liberté conditionnelle ou même la grâce) soit suivant celle de la citation directe, encore plus flexible que la première ( le prévenu poursuivi suivant la procédure de citation directe étant obligatoirement remis en liberté pour être cité à comparaitre libre à l’audience ; dans la plupart des cas, les peines d’emprisonnement prononcées ne sont pas assorties d’un Mandat de Dépôt).
La crainte des justiciables est encore plus accentuée lorsqu’au cours de l’instruction préparatoire, le Juge d’instruction, proprio motu ou à la demande du Parquet , décerne Mandat de dépôt contre l’inculpé, de sorte que ce dernier est placé en détention préventive. Pour dire vrai, la détention préventive s’avère être la principale raison pour laquelle les justiciables redoutent l’information judiciaire. Cette mesure privative de liberté cristallise toutes les attentions et les critiques, même de la part de certains acteurs de l’appareil judiciaire, notamment les Avocats, principaux intermédiaires entre les juridictions et les justiciables, qui ne cessent de dénoncer, les placements systématiques des inculpés sous Mandat de dépôt ( alors même que la loi dispose clairement que la liberté est de droit, la détention préventive une mesure exceptionnelle) , les longues durées de détention, les détentions maintenues au-delà des délais légaux, les détentions préventives sans cesse renouvelées. Des structures étatiques telles que la Direction de l’Administration Pénitentiaire du Ministère de la Justice (DAP), la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDHCI) ainsi que des organisations non gouvernementales telles que PRISONNIERS SANS FRONTIÈRES , AMNESTY INTERNATIONAL ou HUMANS RIGHTS WATCH ont, en partie, attesté de la réalité de ces critiques.
En effet, les rapports produits par ces structures révèlent qu’environ 40% des détenus dans les maisons d’arrêts et de correction de Côte d’Ivoire sont en détention préventive, conduisant ainsi à la surpopulation carcérale . Dans son rapport de visites des Maisons d’Arrêt et de Correction de Côte d’Ivoire effectuées entre janvier et avril 2018, la CNDHCI a relevé, par exemple, qu’à la MAC de Man, sur un effectif de 1351 détenus, 673 sont en détention préventive ; à la MAC de Bongouanou, l’on compte 97 détenus préventifs sur un effectif total de 154 personnes ; à la MAC de Dabou, sur un effectif de 108 détenus, l’on dénombre 96 personnes en détention préventive ; à la MAC de Gagnoa, 131 des détenus sur un effectif total de 355 personnes sont en détention préventive . En 2017, sur un effectif total de 14.414 détenus, cette structure a dénombré 5.314 détenus préventifs, soit un taux de 36,77% alors même que les standards internationaux recommandent que ce taux n’excède pas 25%.
Tirant les conséquences de toutes ces critiques, qui bienheureusement ne sont pas toujours fondées, le Législateur ivoirien, s’inspirant notamment des conventions internationales ratifiées par l’État de Côte d’Ivoire et de la législation pénale française, va, à travers la loi n°2018-975 du 27 décembre 2018 portant nouveau Code de procédure pénale, opérer une refonte du régime juridique de la détention préventive et, instituer par la même occasion, une nouvelle mesure restrictive de liberté pendant l’instruction préparatoire. Ce nouveau Code qui prône le strict respect des droits de la défense, la célérité des procédures judiciaires, la réduction de la durée de la détention préventive et la réduction des cas de recours systématiques au placement en détention, a, en outre institué une nouvelle mesure restrictive de liberté pendant la phase préparatoire du procès pénal. Moins contraignante que la détention préventive, cette mesure est dénommée Le Contrôle judiciaire. Palliatif de la détention préventive, le contrôle judiciaire, peut être ordonné dans tous les cas où les circonstances de la cause n’imposent pas au Juge d’instruction de décerner Mandat de Dépôt à l’encontre de l’inculpé. Désormais, aux termes de l’art. 153 du NCPP, il convient de retenir qu’au cours de l’instruction préparatoire « La liberté est de droit, le contrôle judiciaire et la détention préventive des mesures exceptionnelles. ».
Quel est le régime juridique de ces deux mesures restrictives de liberté ? Quelles sont les spécificités de chacune de ces mesures ? En quoi a consisté la refonte du régime de la détention préventive ? Quels sont les nouveaux délais de détention fixés par le NCPP ? Le contrôle judiciaire peut-il s’avérer efficace ? Cette mesure est-elle adaptée aux réalités sociales ivoiriennes ? Le contrôle judiciaire peut-il véritablement garantir la représentation de l’inculpé aux différents actes de procédure ?
Nous tenterons de répondre à toutes ces questions en analysant, d’une part, le régime juridique du contrôle judiciaire (Chap. I) et, d’autre part, celui de la détention préventive (Chap. II)
CHAP. I : LE CONTRÔLE JUDICIAIRE, UNE NOUVELLE MESURE RESTRICTIVE DE LIBERTÉ SUSCEPTIBLE D’ÊTRE ORDONNÉE AU COURS DE L’INSTRUCTION PRÉPARATOIRE.
Loi n°2018-975 du 27 décembre 2018 portant nouveau Code de procédure pénale, s’inscrivant de la droite ligne de la Constitution du 08 novembre 2016, qui prône le strict respect des droits et libertés fondamentales reconnus aux personnes vivant sur le territoire de la République de Côte d’Ivoire, notamment le droit d’aller et venir et le droit à la présomption d’innocence, a institué une nouvelle mesure privative de liberté susceptible d’être ordonnée à l’encontre de tout inculpé. Cette mesure, dénommée Contrôle judiciaire est régie par les articles 153 à 161 de la loi susvisée. Elle consiste essentiellement pour le Juge d’instruction, sans qu’il soit besoin de placer l’inculpé en détention, à imposer à ce dernier une ou plusieurs obligations en vue de garantir son maintien à la disposition de la justice et assurer ainsi sa représentation aux actes de procédure. Cette mesure ne peut être ordonnée que par ordonnance motivée et lorsque certaines conditions sont réunies (Sect. 1). Le contrôle judiciaire peut prendre fin de deux manières et à toute étape de la procédure (Sect. 2).
SECT. I : LES CONDITIONS DU CONTRÔLE JUDICIAIRE ET LES OBLIGATIONS SUSCEPTIBLES D’ÊTRE MISES A LA CHARGE DE L’INCULPE.
Le contrôle judiciaire ne peut être ordonné que si certaines conditions sont réunies (Par. 1). Cette mesure implique la soumission de l’inculpé à plusieurs obligations dans le but de le maintenir à la disposition de la Justice (Par. 2).
Par. 1. Les conditions requises pour le placement sous contrôle judiciaire.
Il résulte des dispositions de l’art. 154 al. 1er du NCPP que « Le contrôle judiciaire peut être ordonné par le juge d'instruction à toute étape de la procédure dans le cas où l’inculpé encourt une peine d'emprisonnement. » Cette disposition pose une double exigence. La première est relative à la nature de la sanction pénale encourue par la personne poursuivie, tandis que la seconde a trait à la nature de l’acte devant matérialiser le contrôle judiciaire.
D’une part, il s’induit du texte susvisé que le contrôle judiciaire ne peut être ordonné qu’à l’encontre d’un inculpé qui encourt une peine d’emprisonnement. Autrement dit, l’infraction ou le chef d’inculpation retenu à l’encontre de la personne poursuivie doit être sanctionné par ’une peine privative de liberté. Ainsi, si l’information judiciaire a été ouverte pour des faits passibles d’une peine d’amende, ce qui est d’ailleurs rare en pratique (sauf en cas de contraventions connexes à un délit ou à un crime), l’inculpé ne pourra faire l’objet d’un contrôle judiciaire.
D’autre part, l’al. 1er de l’art. 154 du NCPP dispose que « Le contrôle judiciaire peut être ordonné par le Juge d'instruction(…) ». Il ressort de cette disposition que cette mesure restrictive de liberté doit être constatée par une décision du magistrat instructeur, en l’occurrence une ordonnance. Le contrôle judiciaire peut être ordonné d’office par le magistrat instructeur. Cette mesure peut également être requise par le Procureur de la République, dans son réquisitoire introductif, lequel doit dans ce cas être obligatoirement motivé, ainsi qu’il résulte de l’art. 97 du NCPP. L’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, qui doit être spécialement motivée par le Juge d’instruction en rapport avec les mesures envisagées, peut intervenir à toute étape de la procédure comme l’indique l’art. 156 al. 1 et 2 du NCPP. Le Juge d’instruction doit, aux termes de l’art. 157 du NCPP, désigner dans ladite ordonnance, le service chargé d’assurer le suivi de la mesure de contrôle judiciaire et de lui rendre compte en cas de difficultés. Ce service pouvant être soit, un service de police ou de gendarmerie soit un service social ou une association qualifiée régulièrement déclarée. Si l’ordonnance de placement en détention préventive peut faire l’objet d’appel de la part de l’inculpé devant la Chambre d’instruction, aux termes de l’art. 220 du NCPP, un doute subsiste quant à l’exercice de cette voie de recours en ce qui concerne la décision ordonnant le contrôle judiciaire. Ce qui peut paraitre surprenant, d’autant plus qu’il s’agit d’une décision juridictionnelle. En effet, l’art. 220 du NCPP qui énumère la liste des ordonnances du Juge d’instruction susceptibles de faire l’objet d’appel de la part de l’inculpé ne mentionne nullement l’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire. Toutefois, la demande de mainlevée ou de modification du contrôle judiciaire qui a été rejetée ou qui n’a pas été traitée par le Juge d’instruction dans le délai de cinq (05) jours peut être directement adressée par l’inculpé à la Chambre d’instruction, laquelle se prononce dans les quinze jours de sa saisine. À défaut, la mainlevée du contrôle judiciaire est acquise de plein droit, conformément aux dispositions de l’art. 158 du NCPP.
Quelles sont les obligations susceptibles d’être mises à la charge de l’inculpé dans le cadre du contrôle judiciaire ?
Par. 2. Les obligations susceptibles d’être mises à la charge de la personne concernée.
Le contrôle judiciaire est une mesure restrictive de liberté par le biais de laquelle le Juge d’instruction astreint l’inculpé à une ou plusieurs obligations dans le but de garantir sa représentation aux actes de procédure, sans pour autant le placer en détention.
Aux termes de l’art. 154 du NCPP, ce contrôle astreint la personne concernée à se soumettre, selon la décision du Juge d'instruction, à une ou plusieurs des obligations ci-après énumérées :
1- ne pas sortir des limites territoriales déterminées par le juge d'instruction ;
2- ne s'absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d'instruction qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat ;
3- ne pas se rendre en certains lieux ou ne se rendre que dans les lieux déterminés par le juge d'instruction ;
4- se présenter périodiquement aux services ou autorités désignés par le juge d'instruction ;
5- répondre aux convocations de tous services ou autorités désignés par le juge d'instruction ;
6- remettre soit au greffe, soit à un service de police ou à une brigade de gendarmerie tous documents justificatifs de l'identité, et notamment le passeport, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité ;
7- s'abstenir de conduire tous les véhicules ou certains véhicules et, le cas échéant, remettre au greffe son permis de conduire contre récépissé ;
8- s'abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d'instruction, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;
9- fournir un cautionnement dont le montant et les délais de versement, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d'instruction, compte tenu notamment des ressources et des charges de la personne inculpée ;
10- ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusion de l'exercice des mandats électifs et des responsabilités syndicales, lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise ; lorsque l'activité concernée est celle d'un avocat, le conseil de l'ordre, saisi par le juge d'instruction, a seul le pouvoir de prononcer cette mesure à charge d'appel ; le conseil de l'ordre statue dans les quinze jours ;
11- ne pas émettre de chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et, le cas échéant, remettre au greffe les formules de chèques dont l'usage est ainsi prohibé ;
12- ne pas détenir ou porter une arme et, le cas échéant, remettre au greffe contre récépissé les armes dont elle est détentrice ;
13- constituer, dans un délai, pour une période et un montant déterminés par le juge d'instruction, des sûretés personnelles ou réelles ;
14- en cas d'infraction commise soit contre son conjoint, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci ; ces dispositions sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint de la victime, le domicile concerné étant alors celui de la victime ;
15- se soumettre à des mesures d’examen, de traitement ou de soin, même sous le régime de l’hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication.
Il convient de relever que bien avant l’adoption du NCPP, qui a légalement consacré le contrôle judiciaire, certains Magistrats instructeurs, au cours de la conduite de leurs différentes procédures, imposaient déjà certaines des obligations sus-énumérées à des inculpés. Il s’agissait notamment des obligations consistant à ne pas sortir des limites du territoire de la République, à se présenter périodiquement aux services ou autorités désignés par le Juge d'instruction ( dans la plupart des cas se sont des unités de Gendarmerie ou de Police qui étaient désignées), à répondre aux convocations de tous services ou autorités, à remettre tous documents justificatifs de l'identité, et notamment le passeport, ou fournir un cautionnement dont le montant et les délais de versement étaient fixés par le Juge d'instruction. Toutes ces mesures antérieurement prises par le Juge d’instruction sur le fondement de l’art. 79 de l’ancien CPP qui disposait que « Le juge d'Instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. » pourront désormais être ordonnées par ce Magistrat dans le cadre du contrôle judiciaire, mesure pouvant cesser à toute étape de la procédure.
SECT. II : LA FIN DU CONTRÔLE JUDICIAIRE
Contrairement à la détention préventive dont les délais sont expressément fixés par la loi, le NCPP n’a pas assorti le contrôle judiciaire d’un délai. Ainsi, un contrôle judiciaire ordonné à l’encontre d’un inculpé peut durer aussi longtemps que cela est nécessaire. Si la procédure dure plusieurs années, ce qui n’est pas rare en pratique, les obligations mises à la charge de la personne poursuivie peuvent subsister pendant toutes ces années. Toutefois, cette mesure peut prendre fin à toute étape de la procédure par la mainlevée ordonnée par le Juge d’instruction (Par. 1). Elle peut également cesser, en cas de violation volontaire des obligations mises à la charge de l’inculpé, par le placement de ce dernier en détention préventive (Par. 2).
Par. 1. La mainlevée du contrôle judiciaire
Selon l’art. 158 du NCPP, la mainlevée du contrôle judiciaire peut être ordonnée à tout moment par le Juge d'instruction, soit d'office, soit sur les réquisitions du Procureur de la République, soit à la demande de la personne placée sous contrôle judiciaire après avis du Procureur de la République.
Il résulte de cette disposition que si le Juge d’instruction peut ordonner d’office la mainlevée du contrôle judiciaire, celle-ci peut également lui être demandée par le Procureur de la République ou par l’inculpé, premier concerné par cette mesure restrictive de liberté. Lorsque la demande de mainlevée émane de l’inculpé, celle-ci doit être communiquée au Parquet afin de recueillir son avis.
Le magistrat instructeur saisi d’une demande de mainlevée du contrôle judiciaire soit à la suite des réquisitions du Procureur de la République soit à la suite d’une demande de l’inculpé ayant fait l’objet de déclaration au Greffe de la juridiction d’instruction doit statuer dans un délai de cinq (05) jours, conformément à l’art. 158 al. 2 du NCPP. Faute par le Juge d'instruction d'avoir statué dans ce délai, le Procureur de la République ou la personne placée sous contrôle judiciaire peut saisir directement la Chambre d’Instruction qui, sur les réquisitions écrites et motivées du Procureur général, se prononce dans les quinze (15) jours de sa saisine. À défaut, la mainlevée du contrôle judiciaire est acquise de plein droit. L’inculpé étant de ce fait déchargé de toutes les obligations mises à sa charge.
Si le contrôle judiciaire peut cesser suite à une mainlevée, il peut également prendre fin en raison du placement de l’inculpé en détention préventive.
Par. 2. La fin du contrôle judiciaire suite au placement de l’inculpé en détention préventive.
Si la mainlevée du contrôle judiciaire est le mode normal de cessation de cette mesure restrictive de liberté, il convient de relever que celle-ci peut également prendre fin à la suite du placement de la personne poursuivie en détention préventive.
En effet, si l’inculpé se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le Juge d'instruction le convoque ou le fait comparaître devant lui par tous moyens pour l’entendre en ses explications. Le Juge d’instruction décide soit du maintien du contrôle judiciaire soit d’un placement de l’inculpé en détention préventive, quelle que soit la peine privative de liberté encourue. Par ailleurs, si la personne se soustrait aux obligations du contrôle judiciaire alors qu'elle est renvoyée devant la juridiction de jugement, le Ministère public peut saisir le Tribunal correctionnel ou, en matière criminelle, la Chambre d’Instruction qui la convoque ou la fait comparaître par tous moyens pour l’entendre en ses explications. La juridiction décide soit du maintien du contrôle judiciaire soit d’un placement de l’intéressé en détention préventive, quelle que soit la peine d’emprisonnement encourue. En cas d’urgence, la juridiction est spécialement réunie.
Il s’induit de ce qui précède que le non-respect par l’inculpé des obligations mises à sa charge peut conduire à son placement en détention préventive, mettant ainsi fin à la mesure de contrôle judiciaire ordonnée à son encontre. Cela peut aisément s’analyser en une sanction, d’autant plus que le contrôle judiciaire, même s’il restreint la liberté de l’inculpé à plusieurs égards, est nettement plus avantageux que la détention préventive, mesure qui impose que l’inculpé à l’encontre duquel un Mandat de dépôt doit obligatoirement être décerné par le Juge d’instruction, soit immédiatement placé dans une Maison d’Arrêt et de Correction, où en pratique, ce dernier est détenu dans les mêmes cellules et est astreint aux mêmes obligations que celles imposées aux condamnés, alors même que suivant les dispositions du Décret n°69-189 du 14 mai 1969 portant règlementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté, l’inculpé doit être séparé des condamnés.
Si le contrôle judiciaire a été introduit dans l’arsenal juridique ivoirien par l’entremise du NCPP, cela n’est nullement le cas de la détention préventive qui avait déjà été consacrée par loi n° 60-366 du 14 novembre 1960, qui en fixait, les délais, les modalités de prolongation ainsi que les conditions dans lesquelles elle prenait fin.
CHAP. II : LA DÉTENTION PRÉVENTIVE, UNE ANCIENNE MESURE RESTRICTIVE DE LIBERTÉ REFONDÉE PAR LE NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE.
L’alinéa 1er de l’art. 98 du NCPP dispose que « Le juge d’Instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge.». Ainsi, pour parvenir à la manifestation de la vérité, raison d’être de l’information judiciaire, la loi a conféré d’énormes pouvoirs au Juge d’instruction. Il peut à cet effet, réaliser ou faire réaliser par des OPJ, commis rogatoirement, tous les actes d’information qu’il juge nécessaires à la manifestation de la vérité. Il peut également prescrire toute mesure utile au succès de ses investigations, notamment le maintien des personnes inculpées à la disposition de la justice afin de garantir leur représentation aux actes de procédure.
Avant l’institution du contrôle judiciaire, le maintien d’un inculpé sous main de justice ne pouvait être obtenu qu’à la suite de son placement en détention préventive, mesure restrictive de liberté antérieurement régie par les articles. 137 à 150 de la loi n°60-366 du 14 novembre 1960 portant Code de procédure pénale. Conscient de la désuétude de ces dispositions, de leur inéquation avec les réalités sociales nouvelles, de leur non-conformité à la Constitution de 2016 et aux Conventions internationales ratifiées par l’État de Côte d’Ivoire, lesquelles prônent un respect plus accru des droits de l’Homme, le Législateur ivoirien va, par le biais de la Loi n°2018-975 du 27 décembre 2018 portant nouveau Code de procédure pénale, opérer une refonte du régime juridique de la détention préventive.
Cette loi qui prévoit de nouveaux délais de détention ainsi que de nouvelles modalités de prolongation, impose désormais aussi bien aux Magistrats du Parquet qu’au Juge d’instruction, des conditions légales préalables à satisfaire avant le placement d’une personne poursuivie sous Mandat de dépôt (Sect.1). Par ailleurs, le NCPP a institué de nouvelles règles devant régir la mise en liberté provisoire et à également réglé le sort de l’inculpé qui demeure en détention, après l’intervention de l’ordonnance de règlement du Juge d’instruction (Sect.2).
SECT. I : LES CONDITIONS PRÉALABLES DU PLACEMENT EN DÉTENTION PRÉVENTIVE, LES NOUVEAUX DÉLAIS DE DÉTENTION ET LE RÉGIME DE LA PROLONGATION DE LA DÉTENTION.
Le placement en détention d’une personne poursuivie suivant les nouveaux délais de détention (Par.2) ne peut être requis par le Procureur de la République et ordonné par le Magistrat instructeur que si certaines conditions légales sont réunies (Par.1).
Par. 1. Les conditions préalables
Les articles 162 et 163 du NCPP prévoient des conditions dont la réunion est nécessaire pour le placement d’un inculpé en détention préventive.
En effet, suivant l’art. 162 du NCPP, la détention préventive ne peut être ordonnée que si l’inculpé encourt une peine privative de liberté d’au moins deux (02) ans. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2018-975 du 27 décembre 2018, aucun inculpé ne peut être placé en détention préventive si l’infraction pour laquelle il est poursuivi n’est pas passible d’une peine privative de liberté d’au moins deux (02) années. Il s’induit de cette première condition qu’une personne poursuivie notamment pour des faits de vagabondage (puni d'une peine de trois à six mois d'emprisonnement, art. 189 du CP), de mendicité (puni d'un emprisonnement de trois à six mois, art.190 du CP), d’adultère (punis d’un emprisonnement de deux mois à un an, art.391 du CP), de rébellion à l’égard d’un fonctionnaire, sauf si l’auteur ou l’u des auteurs est porteur d’une arme apparente (puni d'un emprisonnement de trois mois à un an, art. 258 al. 1er du CP), de violation de secret professionnel par un dépositaire (puni d'un emprisonnement d’un à six mois, art.383 alinéa 1er du CP) ou de défaut de maitrise, sauf si cette infraction est connexe avec un délit passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins deux (02) années tel que l’homicide involontaire ( art.353 alinéa 1er du CP) ne peut faire l’objet de placement en détention préventive.
Toutefois, cette condition tenant au quantum de la peine d’emprisonnement encourue par la personne poursuivie n’est plus exigée lorsque, d’une part, l’inculpé est en état de récidive ou s’il a été déjà condamné à une peine privative de liberté sans sursis, quelle qu’en soit la durée (art. 162 al. 2 NCPP) et, d’autre part, lorsque l’inculpé se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire. Dans ce cas, le Juge peut décider de son placement en détention préventive, quelle que soit la peine privative de liberté encourue (art.160 al. 1er et 163 al. 2 NCPP).
L’article 163 du NCPP prévoit une autre condition pour le placement d’un inculpé en détention préventive. Celle-ci a trait à l’objectif poursuivi par cette mesure restrictive de liberté. En effet, aux termes de la disposition précitée, la détention préventive ne peut être prononcée ou prolongée que par ordonnance motivée du Juge d’instruction démontrant, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l’un ou à plusieurs des objectifs limitativement énumérés par ledit texte et que ceux-ci ne peuvent être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire. Ainsi, désormais le Juge d’instruction qui désire garder un inculpé à la disposition de la justice doit d’abord envisager de placer ce dernier sous contrôle judiciaire et, c’est lorsque cette mesure restrictive de liberté, au regard des circonstances de la cause, s’avère inappropriée ou inefficace, qu’il pourra ordonner son placement en détention préventive, dans l’objectif, notamment : 1- de conserver les preuves ou les indices matériels ; 2- d’éviter une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ; 3- d’éviter une concertation frauduleuse entre la personne inculpée et les autres auteurs ou complices ;4- de protéger la personne inculpée ; 5- de garantir le maintien de la personne inculpée à la disposition de la justice ; 6- de mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvèlement ; 7- de faire cesser le trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé.
Désormais, le placement en détention préventive doit impérativement être justifié par l’un de ces objectifs. Dès lors que la détention ne vise pas la satisfaction de l’un de ces objectifs, l’art. 164 du NCPP impose au Juge d’instruction d’ordonner la mise en liberté immédiate de la personne placée en détention préventive, après avis du Procureur de la République.
Par ailleurs, il convient de relever que la prescription légale prévue à l’art. 163 du NCPP ne s’impose pas qu’au Magistrat instructeur. Les dispositions de ce texte s’appliquent également aux réquisitions du Procureur de la République lorsqu’elles visent à ordonner la détention préventive de l’inculpé. Par conséquent, le Procureur de la République qui requiert le placement de la personne poursuivie en détention préventive, doit dans son réquisitoire introductif, démontrer que cette mesure vise nécessairement l’atteinte de l’un des objectifs prévus à l’art.163 du NCPP. Le Réquisitoire introductif doit de ce fait être motivé comme l’exige l’art. 97 du NCPP.
Par. 2. Les délais de détention et le régime de la prolongation de la détention
Le nouveau Code de procédure pénale, dans son souci de préserver les droits de la défense notamment le droit qu’à toute personne de jouir de sa liberté et, éventuellement en cas de poursuites, le droit à être jugé dans un délai raisonnable dispose en son art. 164 al. 1er que : « La détention préventive ne peut excéder une durée raisonnable, notamment, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne inculpée ou de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ».
Il convient de noter que l’information judiciaire n’est qu’une phase du procès pénal, mieux ce n’est que la phase préparatoire du procès pénal, qui ne connaitra son dénouement qu’avec une décision des juridictions de jugement sur l’innocence ou la culpabilité de la personne poursuivie. Pour ce faire, l’instruction préparatoire ne doit pas s’éterniser. Par voie de conséquence, la détention préventive lorsqu’elle est nécessaire ne doit toutefois pas excéder un certain délai. C’est au regard de toutes ces considérations humanistes que le Législateur a institué de nouveaux délais de détention, lesquels diffèrent selon que les faits poursuivis sont correctionnels ou criminels.
• En matière correctionnelle
Aux termes de l’art. 166 al. 1er du NCPP, en matière correctionnelle, la détention préventive ne peut excéder six (06) mois.
Ainsi, contrairement à l’ancien Code qui prévoyait plusieurs délais de détention, selon la nature du délit ou selon les circonstances de commission de ce délit, le nouveau Code a institué un délai uniforme de détention pour tous les délits.
En effet, aux termes de l’art. 138 de l’ancien CPP, si en matière correctionnelle, l’inculpé ne pouvait être détenu plus de six (06) mois, cela n’était nullement le cas, d’une part, lorsque le maximum de la peine prévue par la loi était inférieur à six mois d'emprisonnement et, d’autre part, lorsque l’inculpé était poursuivi pour certaines infractions délictuelles, notamment pour vols avec les circonstances prévues aux articles 394, 395 et 396 du Code pénal, trafics de stupéfiants, attentats aux mœurs, évasions, détournements de deniers publics ainsi qu'aux atteintes contre les biens commises avec les circonstances prévues à l'article 110 du Code pénal. Dans la première hypothèse, l’inculpé domicilié en Côte d'Ivoire ne pouvait être détenu plus de cinq (5) jours après sa première comparution devant le Juge d'instruction s'il n'a pas été déjà condamné soit pour un crime, soit à un emprisonnement de plus de trois mois sans sursis pour délit de droit commun. Dans la deuxième hypothèse, s’agissant des infractions susindiquées, la détention préventive était prononcée pour une durée de quatre (4) mois, délai pouvant être prolongé autant de fois par ordonnance spécialement motivée du Juge, rendue sur les réquisitions également motivées du Procureur de la République, toutes les fois où la détention s’avérait nécessaire, pour une durée n’excédant pas quatre (04) mois. Désormais, en matière délictuelle, la détention ne peut excéder six (06) mois, peu importe, la nature du délit, peu importe ses circonstances de commission.
Toutefois, il convient de relever que la détention préventive peut faire l’objet de prolongation, suivant deux (02) modalités distinctes. D’une part, aux termes de l’art. 166 al. 2 du NCPP, le Juge d’instruction peut décider de prolonger la détention préventive pour une durée qui ne peut excéder six (06) mois par une ordonnance motivée rendue après débat contradictoire au cours duquel le Ministère public et l’inculpé ou son avocat sont entendus. D’autre part, à titre exceptionnel, lorsque les investigations du Juge d'instruction doivent être poursuivies et que la détention préventive de l’inculpé demeure justifiée au regard des conditions de l’art. 163, la Chambre d’Instruction, saisie par requête du Juge d’instruction peut prolonger la détention préventive pour une durée qui ne peut excéder six (06) mois.
Il s’induit de ce qui précède que la détention préventive peut être prolongée, soit par le Juge d’instruction, soit par la Chambre d’instruction, juridiction d’instruction de second degré, saisie par le Magistrat instructeur.
Lorsque la prolongation émane du Juge, elle doit être décidée au cours d’une audience tenue dans le Cabinet de ce magistrat. Au cours de cette audience, l’inculpé ou son Conseil et le Ministère Public sont entendus, chacun appelé à faire valoir ses moyens. Si le Ministère public, représenté dans la plupart des cas par l’un des Substituts du Procureur de la République, souhaite la prolongation de la détention, il devra démontrer que celle-ci reste nécessaire en vue d’atteindre l’un ou plusieurs des objectifs visés à l’art. 163 du NCPP. Ainsi, contrairement à l’ancienne pratique consistant à prolonger la détention de l’inculpé à son insu, cette décision lui étant simplement notifiée plus tard, aujourd’hui, cette prolongation est faite obligatoirement en sa présence à la suite d’un débat contradictoire et en présence de son adversaire, le Ministère Public.
La prolongation de la détention peut également être décidée par la Chambre d’instruction saisie par requête du Juge d’instruction, pour une durée ne pouvant excéder six (06) mois. Cette prolongation exceptionnelle ne peut intervenir que lorsque les investigations doivent nécessairement se poursuivre et lorsque la détention de l’inculpé reste indispensable. Le Juge d’instruction ne peut saisir la Chambre d’Instruction qu’une seule fois. En tout état de cause, il revient à la Chambre d’apprécier souverainement la nécessité de cette détention. S’agissant de la requête elle-même, celle-ci doit obligatoirement comporter les raisons qui justifient la poursuite de l’information, sans toutefois indiquer la nature des investigations envisagées.
Ils demeurent néanmoins des interrogations s’agissant du canal de transmission de ladite requête. Doit-elle transiter par le Procureur de la République, lequel se chargera de la transmettre au Procureur Général pour saisine de la Chambre d’instruction ? Le Juge d’instruction pourra-t-il directement l’adresser à la Chambre d’instruction ? Pour notre part, la requête dont s’agit n’est pas une ordonnance du Juge d’instruction, susceptible de faire l’objet de recours ni de la part du Ministère Public encore moins de la part de l’inculpé. Par conséquent elle pourra être transmise directement par le Juge d’instruction à la Chambre d’instruction, surtout que ce mode de transmission a un avantage certain, imprimer une célérité à la procédure. Le choix du Législateur ivoirien en faveur de la « requête » plutôt que d’une « ordonnance motivée » comme c’est le cas en France, peut aisément s’expliquer. En effet, l’ordonnance rendue par le Juge d’instruction a valeur de décision de justice. De ce fait, toute ordonnance doit être communiquée au Procureur de la République, lequel a le droit d’interjeter appel devant la Chambre d’Instruction de toute ordonnance du Juge d’Instruction, dans les vingt-quatre heures à compter de la notification de l’ordonnance . Il s’induit de ce qui précède que juridiquement, le traitement d’une ordonnance est plus contraignant et peut de ce fait retarder la procédure. Si le législateur avait opté pour une ordonnance en cas de prolongation de la détention par la Chambre d’instruction, celle-ci aurait dû obligatoirement être communiquée au Procureur de la République qui à son tour se chargera de la transmettre au Procureur Général, qui exerce l’action publique auprès de la Cour d’Appel à l’effet de saisir la Juridiction d’instruction de second degré. Ce qui pourrait considérablement retarder la procédure. Or, il ne faut pas oublier que l’un des objectifs du Législateur à travers le NCPP est d’imprimer une célérité à l’information judiciaire en débarrassant de celle-ci toutes les germes de lenteur. Le choix de la requête est salutaire d’autant plus que celle-ci n’étant pas obligatoirement communicable au Ministère Public, elle pourra être adressée directement par le Juge d’instruction à la Chambre d’instruction. Ce mode de transmission simplifié s’il est adopté par les magistrats pourra considérablement réduire les délais d’attente et éviter que plusieurs inculpés ne soient en détention injustifiée en raison de l’expiration des délais de détention.
RÉSUME :
- Désormais, le Juge d’instruction n’a plus de pouvoir souverain d’appréciation en ce qui concerne la prolongation de la détention, à l’expiration du second délai de six (06) mois. Il doit nécessairement saisir la Chambre d’instruction d’une requête aux fins de prolongation de la détention.
- Le délai de la détention est le même pour tous les délits. Certains délits, notamment les vols avec les circonstances prévues aux articles 394, 395 et 396 du Code pénal ou les trafics de stupéfiants ne bénéficient pas d’un traitement différent.
- À l’expiration des délais indiqués aux alinéas 1er, 2ème et 3ème de l’art. 166 du NCPP, l’inculpé est en détention injustifiée et doit être mis en liberté d’office.
- Désormais en matière correctionnelle, l’inculpé ne peut être détenu plus de dix-huit (18) mois, délai initial et prolongations compris.
• En matière criminelle
Selon l’art. 167 al. 1er du NCPP, en matière criminelle, la détention préventive ne peut excéder huit (08) mois.
De prime abord, deux observations méritent d’être faites. D’une part, le délai de détention en matière criminelle institué par le nouveau Code est plus court que celui prévu par le précédent. En effet, selon l’art. 138 al. 2 de l’ancien CPP, en matière criminelle, l'inculpé ne pouvait être détenu plus de dix-huit (18) mois. Désormais, l’inculpé ne pourra plus en cette matière être détenu pendant plus de huit (08) mois. Ce nouveau délai plus court se justifie au regard de l’art. 164 al. 1er qui dispose que « la détention préventive ne peut excéder une durée raisonnable (…)». D’autre part, le nouveau Code a abandonné la notion de crimes de sang, infractions pour lesquelles l’inculpé pouvait être préventivement détenu pour une durée de quatre (04) mois renouvelables toutes les fois où la détention apparaissait encore nécessaire (art. 138 al. 4 ancien CPP). L’abandon de cette notion est plus que judicieux, d’autant plus que la détermination des crimes entrant dans cette catégorie était fastidieuse. Que devions-nous auparavant entendre par crimes de sang ? S’agissait-il d’infractions qualifiées crimes par la loi et dont la commission occasionnait l’écoulement de sang ? Ou des infractions impliquant nécessairement la mort de la victime (meurtre et assassinat) ?
À l’image de la détention préventive en matière correctionnelle, celle ordonnée en matière criminelle peut faire l’objet de prolongation suivant deux modalités distinctes. Premièrement, suivant les dispositions de l’art. 167 al. 2 du NCPP, le Juge d’instruction peut décider de prolonger la détention préventive pour une durée qui ne peut excéder huit (08) mois par une ordonnance motivée rendue après débat contradictoire au cours duquel le Ministère public et l’inculpé ou son avocat sont entendus. Deuxièmement, aux termes de l’al. 3 de la disposition précitée, à titre exceptionnel, lorsque les investigations du Juge d'instruction doivent être poursuivies et que la détention préventive de l’inculpé demeure justifiée au regard des conditions de l’art. 163 du NCPP, la Chambre d’Instruction, saisie par requête du Juge d’instruction peut prolonger la détention préventive pour une durée qui ne peut excéder huit (08) mois. Cette saisine de la Chambre d’instruction obéit aux mêmes règles et conditions que celles prévues en matière correctionnelle. À l’issue des délais sus-indiqués, l’inculpé est en détention injustifiée et doit être mis en liberté d’office. La mise en liberté d’office dans le cadre du NCPP n’est plus, comme par le passé (art. 139 ancien), nécessairement assujettie à la saisine de la Chambre d’Instruction par l’inculpé, son conseil ou le Ministère Public. Ainsi, à l’expiration des délais de détention, le Juge d’instruction doit lui-même remettre l’inculpé en liberté. Il appartient au Procureur de la République ou au Procureur Général, selon les cas, de veiller au respect de ces dispositions, et d’ordonner au chef d’établissement pénitentiaire de procéder à la mise en liberté de l’intéressé. Il en est de même en cas d’expiration des délais de détention en matière correctionnelle. Dans le cas contraire, l’intéressé saisit, par voie de requête, le président de la Chambre d’Instruction, qui ordonne, sa liberté d’office.
RÉSUME :
- Désormais, le Juge d’instruction n’a plus de pouvoir souverain d’appréciation en ce qui concerne la prolongation de la détention, à l’expiration du second délai de huit (08) mois. Il doit nécessairement saisir la Chambre d’instruction d’une requête aux fins de prolongation de la détention.
- Le délai de la détention préventive est le même pour tous les crimes, la notion de crime de sang ayant été abandonnée.
- À l’expiration des délais indiqués aux alinéas 1er, 2ème et 3ème de l’art. 167 du NCPP, l’inculpé est en détention injustifiée et doit être mis en liberté d’office.
- Désormais en matière criminelle, l’inculpé ne peut être détenu plus de vingt-quatre (24) mois, délai initial et prolongations compris.
REMARQUE: Sous l’empire de l’ancien CPP, la détention préventive (aussi bien en matière correctionnelle que criminelle), sauf en ce qui concerne les infractions énumérées à l’art. 138 al. 3 , ne pouvait valablement faire l’objet de prolongation de la part de la Chambre d’Accusation que suites aux réquisitions spécialement motivées du Procureur Général, pour des nécessités impérieuses d'enquête. Dans cette hypothèse, si l'inculpé était maintenu en détention, celle-ci ne pouvait excéder quatre (4) mois à compter de l'expiration des délais de six (06) et dix-huit (18) mois, respectivement en matière correctionnelle et criminelle. Ainsi, sous l’empire de la loi n° 60-366 du 14 novembre 1960, un inculpé poursuivi pour des faits délictuels ne pouvait être détenu plus de dix (10) mois ( 06 mois délai initial+04 mois le cas échéant pour nécessités impérieuses de l’enquête), tandis que la personne poursuivie pour des faits criminels ne pouvait être maintenue en détention au-delà de vingt-deux (22) mois ( 18 mois délai initial+04 mois le cas échéant pour nécessités impérieuses de l’enquête).
Aujourd’hui, la détention préventive, même en dehors de toute contrainte tirée des nécessités impérieuses de l’enquête, peut faire l’objet de prolongation, par le Juge d’instruction, d’une part, et par la Chambre d’instruction, d’autre part, aussi bien en matière correctionnelle que criminelle, dans les conditions prévues aux art. 166 et 167 du NCPP. Ainsi, en matière délictuelle, le délai de détention peut durer au total dix-huit (18) mois, soit 06 mois (délai initial) + 06 mois (délai de prolongation par le Juge d’instruction) + 06 mois (délai de prolongation par la Chambre d’instruction). En matière criminelle, elle peut durer au total vingt-quatre (24) mois, soit 08 mois (délai initial) + 08 mois (délai de prolongation par le Juge d’instruction) + 08 mois (délai de prolongation par la Chambre d’instruction).
Dès lors, un constat presque légitime s’impose. Si la détention préventive fait désormais l’objet d’une règlementation plus adéquate par le NCPP, qui a par ailleurs supprimé le tant décrié délai de détention de quatre mois (04) mois, renouvelable tant que la détention apparaissait encore nécessaire pour certains délits et crimes de sang , il n’en demeure pas moins que, juridiquement, et non en pratique, aujourd’hui, un inculpé peut être maintenu plus longtemps en détention que par le passé. Nous en voulons pour preuve le calcul arithmétique suivant :
- Ancien CPP : en matière criminelle : 18 mois (délai initial de détention) + 04 mois (délai de prolongation, le cas échéant pour nécessités impérieuses de l’enquête) = 22 mois.
- NCPP : en matière criminelle : 08 mois (délai initial de détention) + 08 mois (délai de prolongation par le Juge d’instruction) + 08 mois (délai de prolongation par la Chambre d’instruction)= 24 mois.
SECT. I : LA FIN DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE.
La détention préventive peut prendre fin par la mise en liberté provisoire de l’inculpé (Par. 1). Elle peut également cesser par la mise en liberté d’office de ce dernier (Par. 2).
Par. 1. La mise en liberté provisoire.
La détention préventive ordonnée à l’encontre d’un inculpé peut prendre fin par sa mise en liberté provisoire. Celle-ci peut être ordonnée d'office par le Juge d'instruction ou sur réquisitions du Procureur de la République. Elle peut également être sollicitée par l’inculpé ou son conseil.
• La mise en liberté ordonnée d’office par le Magistrat instructeur ou sur réquisitions du Procureur de la République
Aux termes de l’art. 171 du NCPP, en toute matière, la mise en liberté assortie ou non du contrôle judiciaire peut être ordonnée d'office par le Juge d'instruction, après avis du Procureur de la République. Il ressort de ce texte que le Magistrat instructeur, qui à l’entame de la procédure a ordonné le placement de l’inculpé en détention préventive, peut, à toute étape de la procédure, remettre ce dernier en liberté provisoire. Il pourra notamment ordonner cette mise en liberté s’il estime que la détention de l’inculpé n’est plus nécessaire, soit parce qu’il a réalisé tous les actes d’instruction, soit parce que l’inculpé présente des garanties suffisantes de représentation, etc. Contrairement à l’art. 140 al. 3 de l’ancien CPP qui exigeait que cette mise en liberté ne pouvait intervenir qu’après avis conforme du Procureur de la République, l’art. 171 du NCPP n’a pas précisé la nature de l’avis du Parquet, de sorte qu’il n’est pas juridiquement inexact de dire que le Juge d’instruction pourra ordonner la mise en liberté de la personne poursuivie même en cas d’avis contraire. Il reviendra au Ministère Public de relever appel de l’ordonnance de mise en liberté provisoire.
Le Procureur de la République peut également requérir la mise en liberté provisoire de l’inculpé à tout moment. Si l’ancien CPP, notamment en son art. 140 al. 4 précisait que le Juge d’instruction devait statuer dans un délai de cinq (05) jours à compter de la date de ses réquisitions, cela n’est pas le cas du NCPP, qui reste muet sur le délai imparti à ce magistrat. Ce dernier ne devrait-il pas statuer dans un délai de deux (02) jours, comme exigé en cas de demande de mise en liberté formulée par l’inculpé, à compter de la réception des réquisitions du Procureur de la République ?
En tout état de cause, qu’elle soit ordonnée d’office par le Juge ou sur réquisitions du Procureur de la République ou à la demande de l’inculpé, la liberté provisoire peut être assortie ou non du contrôle judiciaire, ou, dans tous dans les cas où elle n’est pas de droit, être subordonnée à l’obligation de fournir un cautionnement ou de constituer des sûretés, dans les conditions prévues aux art. 184 et suivants du NCPP. Aussi, l’inculpé doit-il prendre l'engagement de se représenter à tous les actes de la procédure aussitôt qu'il en sera requis et de tenir informé le magistrat instructeur de tous ses déplacements.
• La demande de mise en liberté formulée par l’inculpé ou son conseil
Les articles 172 et 173 du NCPP traitent des conditions dans lesquelles l’inculpé détenu peut solliciter du Magistrat instructeur, sa mise en liberté provisoire. Suivant ces dispositions, en toute matière, l’inculpé placé en détention préventive ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté, sous les obligations prévues par le Code. La demande de mise en liberté est adressée par lettre au Juge d'instruction, qui communique, dans les vingt-quatre (24) heures, le dossier au Procureur de la République aux fins de réquisitions. Celui-ci dispose d’un délai de trois (03) jours ouvrables pour prendre ses réquisitions. La demande de mise en liberté peut aussi être faite contre récépissé, au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Cette déclaration est consignée dans un registre par le chef de l'établissement pénitentiaire et en établit un récépissé qu’il signe avec le demandeur. Si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement. Ce document est transmis sans délai par le chef de l'établissement, au Greffier d’instruction, sous peine d’une amende civile qui ne peut excéder 100.000 francs prononcée par le Président de la Chambre d’Instruction. S’il existe une partie civile, avis lui est donné par le Juge d’instruction de l’introduction de la demande de mise liberté. Celle-ci dispose d’un délai de quarante-huit (48) heures à compter de la réception de l’avis pour faire des observations.
Le Juge d’instruction statue par ordonnance motivée sur la demande de mise en liberté dans un délai de deux (02) jours à compter de la fin du délai imparti au Procureur de la République. Toutefois, le délai imparti au Juge d’instruction court à compter de la réception des réquisitions du Procureur de la République si celles-ci interviennent plus tôt. Lorsqu’une demande de mise en liberté est en cours d’examen par le Juge d’instruction ou la Chambre d’Instruction, toute nouvelle demande de l’inculpé est irrecevable. La mise en liberté, lorsqu'elle est accordée, peut être assortie de mesures de contrôle judiciaire. Faute par le Juge d’instruction d'avoir statué dans le deux (02) jours, l’inculpé peut saisir directement de sa demande la Chambre d’Instruction qui, sur les réquisitions écrites et motivées du Procureur général, se prononce dans les quinze (15) jours de sa saisine faute de quoi la personne est mise d'office en liberté sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées. Le droit de saisir dans les mêmes conditions la Chambre d’Instruction appartient également au Procureur de la République.
Par. 2. La mise en liberté d’office
La détention préventive peut également prendre fin par la mise en liberté d’office de l’inculpé. Que revêt la notion de mise en liberté d’office ?
La mise en liberté d’office, contrairement à celle ordonnée d’office par le Juge d’instruction après avis du Procureur de la République ou sur réquisitions du Procureur de la République ou à la demande de l’inculpé, est celle qui intervient toutes les fois où la liberté est de droit. Ainsi, la mise en liberté d’office doit en principe intervenir toutes les fois où l’inculpé est en détention injustifiée. Dans cette hypothèse, le Magistrat instructeur ne peut même pas subordonner la mise en liberté provisoire de l’inculpé au paiement d’un cautionnement .
Le NCPP prévoit plusieurs hypothèses dans lesquelles l’inculpé doit être mis en liberté d’office. Il s’agit notamment des cas prévus aux articles 166 et 167, en cas d’expiration des délais de détention. Ainsi, à l’issue des délais de détention de six (06) et huit (08) mois, respectivement en matière correctionnelle et criminelle, y compris les délais de prolongations, l’inculpé est en détention injustifiée et doit de ce fait être mis en liberté d’office. Aussi, faute pour le Juge d’instruction d'avoir statué dans le délai de deux (02) jours à compter de la réception des réquisitions du Procureur de la République, l’inculpé peut saisir directement de sa demande la Chambre d’Instruction qui, sur les réquisitions écrites et motivées du Procureur général, se prononce dans les quinze jours de sa saisine faute de quoi la personne est mise d'office en liberté sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées. Il en est de même dans l’hypothèse prévue à l’art. 175 du NCPP. Il résulte de cette disposition que, d’une part, le prévenu détenu, renvoyé devant le tribunal correctionnel, doit comparaître pour être jugé dans le délai d’un (01) mois à compter de la date de l’ordonnance de renvoi et, d’autre part, l’accusé détenu qui a fait l’objet d’un arrêt de renvoi devant le tribunal criminel doit comparaitre devant le tribunal criminel pour être jugé dans le délai de six (06) mois à compter de la date de l’arrêt de mise en accusation. À défaut de comparution de la personne détenue dans les délais ci-dessus indiqués, celle-ci est mise en liberté d’office.
Dans tous les cas où l’inculpé doit être mis en liberté d’office, il appartient au Procureur de la République ou au Procureur général, de veiller au respect des dispositions prévues à cet effet par le NCPP, et d’ordonner au Chef d’établissement pénitentiaire de procéder à la mise en liberté de l’intéressé. En cas d’inertie des Magistrats susmentionnés, l’intéressé saisit, par voie de requête, le Président de la Chambre d’Instruction, qui ordonne, sa liberté d’office.
Toutefois, suivant les dispositions de l’art. 182 du NCPP, le Procureur Général peut, sur réquisitions spécialement motivées s’opposer à la mise en liberté de l’inculpé pour des nécessités impérieuses d’enquête. Dans ce cas, la Chambre d’Instruction statue dans un délai de huit (08) jours, faute de quoi, l’inculpé est mis d’office en liberté. Si l’ancien Code fixait à quatre (04) mois le délai de prolongation de la détention pour cause de nécessités impérieuses d’enquête, à compter de l'expiration des délais de six (06) et dix-huit (18) mois, le NCPP qui a maintenu cette éventualité n’a cependant pas précisé la durée de la détention pouvant encourir l’inculpé à ce titre.
De ce fait, plusieurs interrogations légitimes demeurent. D’une part, dans quelles hypothèses le Procureur Général peut-il s’opposer à la mise en liberté de l’inculpé pour des nécessités impérieuses d’enquête ? D’autre part, quelle est la durée de détention encourue par l’inculpé en cas de prolongation pour cause de nécessités impérieuses d’enquête ?
Au titre de la première interrogation, il convient de dire que pour cause de nécessités impérieuses d’enquête, le Procureur Général peut s’opposer soit à la mise en liberté provisoire de l’inculpé ordonnée d’office par le Juge d’instruction, sur réquisitions du Ministère Public ou à la demande de l’inculpé, soit à toute mise en liberté d’office, c'est-à-dire toutes les fois où la mise en liberté est intervenue parce que la liberté était de droit ou parce que l’inculpé était en était en détention injustifiée. Si la première hypothèse ne nécessite aucune observation particulière, il n’est n’en n’est pas de même pour la seconde, à savoir l’opposition formée à la mise en liberté d’office de l’inculpé. En effet, à l’expiration des délais de détention prévus aux articles 166 et 167 du NCPP, l’inculpé est en détention injustifiée et doit être mis en liberté d’office. À titre d’exemple, en matière correctionnelle, à l’expiration du délai initial de six (06) mois, l’inculpé doit être remis en liberté si sa détention n’ pas fait l’objet de prolongation par ordonnance spécialement motivée du Juge d’instruction. Aussi, à l’expiration du second délai de six (06) mois intervenu suite à la prolongation du magistrat instructeur, si ce magistrat n’a pas saisi la Chambre d’instruction d’une requête aux fins de prolongation ou si la juridiction d’instruction de second degré saisie n’a pas fait droit à la requête du Juge d’instruction, l’inculpé est en détention préventive. Si à l’expiration du délai initial de 06 mois, le Procureur Général désire faire opposition à la mise en liberté de l’inculpé pour cause de nécessités impérieuses d’enquête, cela ne porte nullement atteinte aux droits de la personne poursuivie d’autant plus que celle-ci aurait pu être maintenue en détention pour une durée totale de dix-huit (18) mois. Mais, qu’en est-il lorsque le maintien en détention pour cause de nécessités impérieuses d’enquête est requis par le Procureur Général alors même que l’inculpé, en matière correctionnelle, a été déjà maintenu en détention pendant dix-huit (18) mois, c'est-à-dire pendant le délai initial de détention de six (06) mois, lequel a fait l’objet de prolongation de la part du Juge d’instruction puis de la Chambre d’instruction ? Pour notre part, le maintien en détention de l’inculpé en matière correctionnelle ou criminelle, pour cause de nécessités impérieuses de l’enquête, ne saurait être possible, à l’expiration de tous les délais de détention, car cela constituerait une violation flagrante de droits fondamentaux de la personne poursuivie et serait par la même occasion une violation des dispositions de l’art. 164 du NCPP qui dispose que « La détention préventive ne peut excéder une durée raisonnable ».
S’agissant de la deuxième interrogation, elle parait plus difficile à résoudre, d’autant plus que le NCCP ne propose aucune piste de solution. Toutefois, pour notre part, en cas de maintien de l’inculpé en détention pour cause de nécessités impérieuses d’enquête, sa détention ne peut faire l'objet d'une prolongation au-delà des délais de six (06) ou huit (08) mois, respectivement en matière correctionnelle et criminelle. Ainsi, à titre d’illustration, une personne poursuivie pour des faits délictuels qui bénéficie d’une mise en liberté provisoire ou d’une mise en liberté d’office ne peut, en cas de maintien en détention pour cause de nécessités impérieuses d’enquête, être détenue au-delà de délai légal de détention en matière correctionnelle, à savoir plus de six (06) mois.
REMARQUE : Il convient d’indiquer que contrairement à l’ancien CPP, le nouveau a définitivement réglé le sort de l’inculpé en détention préventive, après que le Juge d’instruction ait rendu son ordonnance de règlement, étant de ce fait juridiquement dessaisi du dossier de la procédure.
Ainsi, suivant l’art. 174 al. 1 et 2 du NCPP, après l’ordonnance de transmission des pièces au Procureur général et jusqu’à l’ouverture de la session de jugement des affaires criminelles, la Chambre d’Instruction est compétente pour se prononcer sur les demandes de mise en liberté. Après l’ordonnance de renvoi en police correctionnelle, la juridiction de jugement est compétente pour statuer sur les demandes relatives à la détention préventive. En matière criminelle, le tribunal criminel n'est compétent que lorsque la demande est formée durant la session au cours de laquelle il doit juger l'accusé.
Aussi, en application des dispositions de l’art. 5 al. 1er du NCPP, qui dispose qu’il doit être définitivement statué sur la cause de toute personne poursuivie dans un délai raisonnable, le Législateur ivoirien a fixé des délais intangibles au cours desquels les inculpés détenus qui ont fait l’objet de renvoi devant les juridictions de jugement doivent obligatoirement comparaitre devant celles-ci pour être jugés. Ainsi, selon l’art. 175 du NCPP, le prévenu détenu, renvoyé devant le tribunal correctionnel ainsi que l’accusé détenu qui a fait l’objet d’un arrêt de renvoi devant le tribunal criminel, doivent comparaître pour être jugés dans les délais respectifs d’un mois et six mois, à compter de la date de l’ordonnance de renvoi ou de l’arrêt de mise en accusation. À défaut de comparution de la personne détenue dans les délais ci-dessus indiqués, celle-ci est mise en liberté d’office.
Au terme de notre pérégrination intellectuelle, il convient de retenir que le Législateur ivoirien, dans l’optique de parvenir à un véritable respect de certains droits fondamentaux, tels que proclamés par la Constitution du 08 novembre 2016 et certaines conventions internationales ratifiées par l’Etat de Côte d’Ivoire, a mis un accent particulier sur la réglementation des mesures restrictives de liberté pendant l’information judiciaire. Ainsi, le NCPP, publié au Journal Officiel le mercredi 13 mars 2019, a opéré une refonte totale de la tant controversée détention préventive, telle que régie par la loi n° 60-366 du 14 novembre 1960. En vue d’éviter le placement systématique des inculpés en détention préventive, ce nouveau Code a prévu des conditions légales dont la réunion est nécessaire pour justifier une telle mesure. En vue d’éviter les longues détentions et les prolongations sans cesse renouvelées, ce Code a fixé de nouveaux délais et prévu les modalités de prolongation de la détention, en retirant au Juge d’instruction, le pouvoir d’ordonner la prolongation plus d’une (01) fois, laissant ainsi à la Chambre d’instruction le choix d’apprécier la nécessité du maintien de l’inculpé à l’expiration des deux premières tranches de détention. Par ailleurs, un palliatif a été trouvé à la détention préventive. C’est le contrôle judiciaire, mesure restrictive de liberté qui permet de garantir le maintien de l’inculpé à la disposition de la justice, sans pour autant le placer sous Mandat de dépôt. Cette mesure pourra à coup constituer un remède efficace pour la réduction du taux des détenus préventifs, un combat si cher au Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme. Aussi, ce nouveau Code, a-t-il définitivement réglé le sort de l’inculpé détenu, en précisant, d’une part, les autorités judiciaires devant désormais connaitre des demandes de mise en liberté provisoire de l’inculpé après que le Juge d’instruction ait pris son ordonnance de règlement et, en fixant d’autre part, des délais intangibles pour la comparution des inculpés détenus renvoyés devant les juridictions de jugement, délais à l’expiration desquels la personne poursuivie devra être mise en liberté d’office.
Toutes ces mesures salutaires, qui sont d’ailleurs conformes aux standards internationaux, n’auront cependant de sens véritable que si elles sont rigoureusement appliquées par les différents acteurs de la chaine pénale. Il revient à cet effet au Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, dans son élan de redynamisation et de modernisation de la Justice Ivoirienne, par l’adoption de textes en adéquation avec les mutations sociales, économiques et juridiques qu’a connu la Côte d’Ivoire depuis son indépendance, de mettre les moyens nécessaires à la disposition des différents acteurs concernés par l’application effective de ce nouveau Code, qui porte en lui seul les germes d’espoir de l’ensemble des justiciables et la semence de la crédibilité de notre appareil judiciaire vis-à-vis des organisations luttant en faveur du respect des Droits de l’Homme. Pour ce faire, il pourra organiser des séminaires de formation des acteurs de l’appareil judiciaire, notamment les Magistrats, les Greffiers, les OPJ, les responsables des établissements pénitentiaires, les Avocats, mais aussi des campagnes de sensibilisation à l’endroit des justiciables.
Vos différentes observations nous seront plus que bénéfiques pour l’amélioration de cette humble contribution scientifique, qui nous le savons, recèle nombreuses imperfections.
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